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Après avoir passé une nuit à Arima Onsen puis exploré le quartier de Nadagogo à Kobe, j’ai effectué une plongée dans l’univers habituellement secret du bœuf de Kobe, cette viande savamment persillée qui est l’une des plus réputée au monde – si ce n’est la plus réputée. Récit d’une exploration qui commence dans un élevage perdu en pleine nature et finie au Portopia Hotel, ce bel établissement de Port Island.

bœuf de Kobe persillé

Du bœuf à Kobe ?

Le bœuf de Kobe est le bœuf japonais le plus célèbre, l’un des premiers à s’être internationalisé et le plus réputé du pays, connu pour être le plus fin, le plus délicat, au centre d’un ensemble assez varié d’appellations dans tout le pays.

Sa zone de production se situe dans la préfecture de Hyogo, et tous les animaux sont soumis à une traçabilité stricte qui permet de garantir la qualité de la viande et d’éviter les risques de contrefaçon.

élevage bœuf de Kobe

La consommation de bœuf n’est pas habituelle dans l’histoire de l’archipel. Elle a commencé sous l’impulsion des résidents étrangers pendant la deuxième moitié du 19e siècle, Kobe étant l’un des cinq ports qui étaient alors ouverts au commerce international. « Ce sont des animaux de trait qui ont d’abord été élevés », m’explique l’éleveur Kazuki Morimoto, « et la pureté de la race est l’un des éléments qui justifie la qualité de cette viande très persillée« . Elle est appréciée des gourmets du monde entier.

Le bœuf de Kobe de l’élevage à l’assiette

La ferme Morimoto est un élevage de bœufs de Kobe de l’ouest de la préfecture de Hyogo, sur la commune de Sayo. Il est l’un des seuls à regrouper toutes les étapes de la production, depuis l’insémination artificielle; jusqu’à l’élevage proprement dit des bœufs, en passant par la naissance des veaux, etc.

Récompenses élevage bœuf de Kobe

L’exploitation familiale est tenue par un homme doux au fort caractère, loquace et toujours prêt à détailler le fonctionnement de sa production aux visiteurs, qu’ils soient des médias étrangers ou des restaurateurs japonais – ou parfois les deux en même temps. J’ai en tout cas eu le privilège de passer deux heures à la ferme, d’abord dans un bureau pour échanger puis directement dans les enclos.

Rencontre avec Kazuki Morimoto

Issu d’une formation en boucherie, Kazuki Morimoto a repris en 2005 l’exploitation initiée par son père il y a quarante ans, connaissant le même succès que lui dans les concours nationaux et internationaux. Ils ont étendu leurs activités non seulement à l’engraissement, mais aussi à l’élevage, et ont obtenu une licence d’inséminateur artificiel, couvrant l’insémination artificielle, la naissance et l’élevage des vaches.

Actuellement, il y a deux étables de reproduction et deux étables d’engraissement qui élèvent des bovins âgés de 10 à 30 mois, et chaque étable a ses propres employés.

Morimoto-san élevage bœuf de Kobe
Morimoto-san montre les certificats garantissant l’origine du pedigree unique en son genre, élevé par lui-même.

La ferme se vante de procurer des conditions de vie tout confort à ses animaux, avec des enclos plus vastes que ceux de la plupart des exploitations. Les bœufs vivent au calme sans stress. Les animaux ne sont ni nourris à la bière, ni bercés par de la musique classique, et ces deux propositions font sourire Kazuki Morimoto qui reconnaît que l’appellation est soumise à toutes les exagérations.

Pour lui, ce sont trois critères qui expliquent la qualité de la viande des bœufs de Kobe :

  • une lignée transmise de génération en génération uniquement dans la préfecture de Hyogo.
  • un environnement calme essentiel pour l’élevage et la reproduction du bétail.
  • le strict contrôle de la filière et la traçabilité totale de celle-ci.
élevage bœuf de Kobe

Visite de l’élevage

Ces explications sont passionnantes, mais rien ne vaut une visite sur place. Kazuki Morimoto nous entraîne dans son sillage vers les grands enclos ombragé où les bœufs passent tranquillement leurs journées. En effet, point de musique classique mais, en cette fin d’été, d’énormes ventilateurs qui apportent une brise bienvenue à la torpeur des mois chauds au Japon.

Nous commençons par l’une des fermes où les bœufs de plus de 10 mois passent un an et demi étable d’engraissement. Le fermier nous montre certains animaux, détaillent leur âge, leurs qualités, les fait tranquillement tourner dans leurs enclos. Puis nous prenons la voiture pour nous approcher de l’une des ferme de reproduction.

Même ambiance paisible au son des cigales. Les animaux sont en train d’être nourris par une employé : de l’herbe des pâturages sont répartis dans les longues écuelles qui suivent la travée centrale des bâtiments. Point de ruée vers la nourriture, les animaux – les veaux et leurs mères – se dirigent tranquillement vers leur déjeuner.

Morimoto-san profite de passer par cette ferme pour préparer et administrer deux vaccins à deux veaux nés il y a quelques mois à peine. Je suis frappé de voir à quel point l’éleveur fait presque tout lui-même.

Morimoto-san et diplômes

Une soirée d’exception au Portopia Hotel

Il faut près de 2h de route pour rentrer à Kobe. L’exploitation de Morimoto-san est un site de production qui n’est pas accessible aux visiteurs, mais accueille occasionnellement les médias. Le retour se fait en véhicule privé, jusqu’à la grande ville côtière du Kansai où nous retrouvons l’animation d’une agglomération.

Après un tour en centre-ville, notre prochain étape est l’hôtel où nous allons dîner et passer la nuit : le Portopia, sur une île artificiel de la baie.

Portopia: l’un des principaux hôtels de Kobe

Ce grand hôtel célèbre de Kobe est le plus grand bâtiment de Port Island, la plus grande des îles artificielles faisant face à la ville et aux monts Rokko. Inauguré en 1991, il est une référence locale qui abrite plusieurs restaurants réputés, des salles de conférences, une chapelle pour les mariages, une piscine, ainsi qu’un rooftop très sélect au-dessus du 31ème niveau, depuis lequel la vue porte jusqu’à l’aéroport du Kansai au sud-est et le grand pont du détroit d’Akashi à l’ouest.

Vue sur Kobe

La majorité des plus de 700 chambres disposent également d’une superbe vue sur la ville ou sur l’étendue marine, que l’on se plaît à contempler de longues heures durant. L’hôtel Portopia est très facile d’accès, à quelques arrêts du centre-ville de Kobe en empruntant le train appelé Portliner. En tout, le voyageur pourra faire son choix parmi treize restaurants, qui mettent en valeur les spécialités de la préfecture de Hyogo.

De notre côté, nous commençons la soirée en dégustant la vue sur Kobe depuis le rooftop, où se presse seulement un couple et quelques voyageurs d’affaire qui prennent un verre avant le dîner. Le lieu n’est ouvert que si le vent le permet, et nous avons la chance d’en profiter à l’heure précise du soleil couchant. Celui-ci disparaît rapidement derrière les nuages sans prendre le temps d’illuminer le ciel.

vue sur le grand pont du détroit d'Akashi

Dîner au Teppanyaki Grill Tajima

Il est enfin temps de reprendre le fil directeur de la journée : le bœuf de Kobe. Pour le déguster, direction le restaurant Teppanyaki Grill Tajima, au deuxième niveau, que l’on traverse dans toutes sa longueur entre les allignements de grands crus et les table chauffante où s’activent déjà des chefs. Nous nous éclipsons dans une pièce un peu à l’écart, plus intimiste, où nous attend le principal chef des nombreuses cuisines du Portopia. C’est lui qui a fait le choix de sélectionner les boeufs de Morimoto-san pour en servir la viande aux clients de l’hôtel.

Rencontre avec le chef Takahiko Kishimoto

Le chef Takahiko Kishimoto est un natif de la préfecture de Hyogo, fier de ses origines et toujours à même de mettre en avant les produits locaux de sa région. Il suit en cela les bases posées par son mentor et formateur, le chef français Alain Chapelle auprès duquel le Japonais a fait ses armes. Aujourd’hui chef des restaurants de l’hôtel Portopia, il a commencé sa carrière ici-même, au sein de l’établissement qui y était exploité par le chef français, toujours dans la logique du « produit simplifié ».

Le chef Takahiko Kishimoto
Le chef Takahiko Kishimoto (à droite).

Issu d’une famille de fermiers qui cultivait du riz, Takahiko Kishimoto a toujours navigué dans les bons produits, avec la ferme volonté d’aider ses parents et de prendre part ensuite à la mise en valeur des bonnes productions de la région de Kobe. C’est depuis l’enfance que le chef souhaite prendre le chemin des cuisines, et précisément celles de l’hôtel Portopia. Concernant le bœuf de Kobe, il met désormais en valeur la production de la ferme Morimoto, qu’il retourne régulièrement visiter pour échanger avec l’éleveur.

Du bœuf de Kobe au dîner

Après la discussion, Takahiko Kishimoto s’efface au profit de l’un des chefs les plus qualifiés du restaurant de teppanyaki. Le Tajima, qui est donc un restaurant de cuisine sur plaque chauffante, est nommé d’après l’ancienne province homonyme, au nord de l’actuelle préfecture de Hyogo. Celle-ci est toujours une aire de production réputée pour ses volailles. Avec un tel patronyme, l’établissement met évidemment l’accent sur les produits d’excellence de toute la région, que ce soit les volailles, les légumes, mais aussi l’emblématique bœuf persillé connu dans le monde entier comme « bœuf de Kobe ».

Le dîner est une fête pour les yeux avant d’être un ravissement pour le ventre, qui commence avec quelques amuse-bouches de saison (terrine, porc noir, noix de Saint-Jacques, avec du yuzu, etc.), puis continue avec une salade Caesar revisitée, entièrement composée sur la plaque chauffante du teppanyaki. Voici la fameuse volaille de Tajima, au-dessus d’une laitue dont les feuilles sont cuites à l’étouffée, sous un couvercle, et avec des glaçons afin de temporiser l’évaporation de l’eau.

Les légumes sont locaux, et le plus saisonnier est l’oignon qui vient de l’île voisine d’Awaji, l’un des toponymes les plus réputés pour le bulbe. Mais l’étape principale du repas est bien le bœuf de Kobe de la ferme Morimoto, dont le chef nous présente finalement des filets magnifiques. Takahiko Kishimoto nous disait que la façon peut être la plus idéale d’apprécier le bœuf de Kobe serait la cuisson sur plaque chauffante, et je comprends pourquoi en voyant la viande doucement griller. Saisie, elle est rapidement retournée par le chef, puis découpée adroitement.

Chacun des convives récupère alors quelques lamelles très précisément cuites. Celles-ci se dégustent telles quelles, avec un peu de sel, de poivre, de ponzu ou de daikon oroshi, la purée de radis japonais. Nous avons la chance d’avoir aussi comme condiment du yamawasabi frais – il s’agit en japonais du raifort, le chef nous ayant expliqué qu’il constituait son accompagnement favori de la viande d’excellence. Nous l’arrosons également d’un saké tout spécialement pensé pour se marier avec elle, produit par Kiku Masamune.

L’expérience gastronomique est incroyable, et restera longtemps dans ma mémoire. Quelle chance que d’avoir pu goûter au bœuf de Kobe dans un tel contexte !

Le repas se termine tranquillement avec un dessert fusion, où se croisent de la glace à la vanille, des warabi mochi à la fougère et du gorgonzola. Une bonne nuit de sommeil et je serai prêt pour l’exploration de Kobe demain.

Comment se rendre à Kobe ?

Kobe est très facile d’accès en shinkansen depuis Tokyo (2h40) et Shin-Osaka (15 min) en descendant à la gare de Shin-Kobe. Depuis Osaka rejoignez la gare centrale de Kobe en train JR en 20 min de trajet. La circulation en ville est ensuite assez simple avec les lignes de métro et le train local. L’hôtel Portopia se situe au niveau de l’arrêt Shiminhiroba de la ligne Portliner, à cinq arrêts (10 min) de la gare centrale de Sannomiya.

Pas de transports en commun pour l’élevage de Morimoto-san, qui n’est pas non plus ouvert aux visiteurs, hors professionnels de la restauration et médias.

Article écrit en partenariat avec KOBE TOURISM BUREAU.

Julien

Julien

Freelance travel consultant based in Tokyo, I have been living in Japan for a couple of years. In France, I have published three books about Japanese destinations and culture, the first one being the description in texts and photos of a hundred views in Japan. I am deeply interested in sustainability and a more human-based way of traveling.